(1128-1176)
Fille de Louis VI, roi de France et d’Adèle de Savoie
Mariée en 1140 à Eustache de Blois, fils du roi d’Angleterre, Etienne
de Blois. Sa vie outre Manche coïncide avec une période d’anarchie qui se termina pour elle en 1153 par la mort de son mari, un an avant qu’il eût pu succéder à son père.
Revenue en France, le roi Louis VII, son frère, la remaria dans les plus brefs délais au jeune comte de Toulouse, Raymond V.
De cette union naissent quatre enfants :
- Raymond VI (1156-1222), comte de Toulouse
- Albéric Taillefer (1157-1183)
- Adélaïde († v. 1200), épouse (1171) de Roger II de Béziers († 1194) (l’un des Trencavel), vicomte de Carcassonne, Béziers, Albi et Razès
- Baudouin (v. 1165/66 – 1214)
Puis les choses se gâtèrent et ce fut la rupture.
Une série de lettres conservées dans les archives royales permettent
de suivre le développement de la crise et son issue : trois lettres
de Constance et deux lettres du commun conseil de Toulouse. Elles
ne sont pas datées, mais à l’évidence, et c’est l’avis de Dom Vaissète,
on doit les placer dans les quelques mois, voire les quelques semaines
qui ont précédé l’arrivée de Constance à Paris, où elle assista,
en août 1165, au baptême de son neveu, le futur Philippe-Auguste.
C’est l’analyse de cette correspondance qui paraît apporter une
preuve de la venue de Constance à Burlats, elle mérite donc d’être
examinée de près.
Les deux premières lettres de Constance sont un appel pressant à son frère le roi.
Lettre 438
Constance recommande au roi un chevalier nommé Guy qui se trouve
dans l’obligation de la quitter pour des raisons familiales. Il est au courant des difficultés qu’elle traverse, il est en mesure de les expliquer au Roi. Elle termine ainsi : « Je prends Dieu à témoin que, si vous ne me venez pas en aide, le pire adviendra »
Lettre 450
Constance accuse réception d’une lettre du Roi apportée par des
messagers. Elle craint que les promesses qu’elle contient et que
les messagers lui ont confirmées, ne puissent être suivies d’effet.
Elle charge un messager, nommé Mastolore, d’expliquer au Roi sa
situation. « Il connaît, précise-t-elle, tous mes secrets ».
Il faut vraisemblablement dater de ce moment, où le drame n’a pas encore éclaté, une lettre assez étrange, que Dom Vaissète ne mentionne
pas, où le Commun Conseil de Toulouse, qui ne peut cacher ses inquiétudes, s’adresse au Roi en des termes voilés :
Lettre 416
« Nous venons de prendre connaissance de votre vénérable lettre. Nous en rendons grâce à Dieu Tout-Puissant qui vous fait penser à nous,
vos sujets. C’est ainsi que par vos correspondances vous vous préoccupez
constamment de notre humble situation et que vous vous penchez,
à la manière d’un père, sur nos efforts ainsi que sur les dangers
qui menacent. Aussi prions nous votre bienveillante Majesté de continuer à vous souvenir de nous, si tel est votre bon plaisir, et que vous apportiez vos encouragements à notre seigneur le Comte, à notre dame très sérénissime la reine votre soeur et à nous mêmes qui sommes vôtres et que, selon que l’affaire en elle même peut l’exiger, vous vouliez bien veiller sur nous « .
La seconde lettre du Commun Conseil fait état de l’incident que nous
apprenons par ailleurs, par une dernière lettre de Constance. Le
Roi a envoyé à Toulouse une délégation et demandé aux Toulousains
(et non au Comte) d’y joindre quelques délégués pour accompagner
sa soeur à Paris. Elle refusa de les suivre et partit de son côté.
L’expression « movititer » qu’emploie la lettre des Toulousains sous-entend
un départ précipité.
Lettre 432
Le Commun Conseil de Toulouse et du Bourg au Roi Louis VII
« Comme il se devait, nous nous sommes grandement réjouis de votre lettre ainsi que des honorables personnes de vos envoyés. Nous nous sommes consultés sur sa teneur et avons exécuté les instructions qu’elle
contenait de manière que notre dame, votre sour parvienne dans des
conditions honorables en votre présence. Précisément le jour où notre dame, votre soeur, prit précipitamment la route, les honorables citoyens
de la ville et du bourg, P. de Roaxis, B. Arnaud de Pons, G. Raimond
et P. Raimond son frère, ainsi que B. ; le préposé qui avait tout
préparé au mieux, tous étaient prêts à partir avec elle pour votre
Cour, mais elle n’y consentit pas. C’est la raison pour laquelle nous prions votre bonté que, comme nous qui sommes vôtres, vous apportiez votre protection à notre dame et que vous défendiez et sauvegardiez Toulouse qui est également à vous et nos jeunes seigneurs, vos neveux, parce que, après Dieu, tout notre espoir est en vous. Nous vous prions enfin de nous renvoyer notre honorable dame, votre soeur, aussi vite qu’il sera possible, car c’est avec elle et par elle que nous mettons notre joie et notre réconfort et que nous sommes protégés ».
Voici le même fait – son départ de Toulouse- exposé par Constance.
lettre 447, Constance au Roi Louis VII.
Le jour même où mon serviteur m’a quittée, je suis partie du Palais
et me suis rendue dans une villa, à la maison d’un certain chevalier.
Je n’avais même plus de quoi manger ni de quoi donner à mon personnel. Le comte n’a aucun soin de moi « , et plus loin : « Si tous les messagers qui doivent se rendre à la Cour vous disent que tout va bien pour moi, ne le croyez pas. Si j’osais vous l’écrire, je vous dirais pire encore « .
Comment comprendre ce qui s’est passé ? On ne peut que faire des suppositions, le Comte, peu soucieux de voir le Roi mélé à ses difficultés conjugales, aura-t-il voulu faire obstacle au départ de Constance ? Celle-ci était à bout. Elle a décidé de fuir seule. Probablement, cependant, sa fuite n’aura pas été improvisée. Compte tenu de la destination qu’elle allait prendre, tout aura été préparé avec les gens de Raymond Trencavel.
La lettre de Constance ne cite pas Burlats. Elle se rend dans une villa
à la maison d’un certain chevalier…
Constance ne pouvait trouver protection plus sûre qu’auprès de Raymond Trencavel, le plus puissant, mais aussi le plus indépendant des vassaux du comte de Toulouse. Tous deux d’ailleurs se connaissaient et, semble-t-il, s’estimaient.
Deux lettres adressées au Roi en 1164, l’une par lui (lettre 426),
l’autre par elle (lettre 435) le prouvent. Trencavel assurait le
Roi que, depuis sa réconciliation avec le comte de Toulouse, il
s’efforçait de rendre à ce dernier et à la comtesse toutes sortes
de services. Quant à Constance, elle demandait à son frère d’intervenir pour régler une affaire d’otages qui préoccupait Trencavel.
Constance avait le choix, autour de Toulouse et à égale distance, entre trois résidences Trencavel : la puissante citadelle de Carcassonne, leur
vieux château familial d’Ambialet, près d’Albi et un lieu presque
secret : Burlats.
Aux termes de sa lettre, Constance s’est rendue dans une villa. Ce terme exclut Carcassonne qui est une « cité » et Ambialet qui est un « castrum », un château. Seul Burlats est comme le nom lui en est donné en 1118 dans le testament de Bernard-Aton Trencavel, une villa, c’est à dire une exploitation agricole. Depuis lors, il est vrai, la villa
sommairement fortifiée du début du siècle s’était transformée.
Elle s’est complétée de nouveaux bâtiments, dont l’un est celui qui est
aujourd’hui connu sous le nom de « pavillon d’Adélaïde ». Il y a aussi,
ce qui n’existait pas en 1118, un prieuré conventuel doté d’une
magnifique église où se célèbrent des liturgies dignes d’une grande
abbaye. Dans son désarroi, la présence d’un tel refuge de prière
et de paix aura pu déterminer le choix de Constance. Que Constance se soit trouvée à Burlats en ce printemps de 1165, une autre circonstance paraît le confirmer. En mai l’évêque d’Albi organisait à Lombers le premier colloque auquel furent conviés des responsables du mouvement cathare. Lombers est à une étape d’une journée (35km) de Burlats. Constance y assista en compagnie de Raymond Trencavel.
C’est après Lombers que Constance se rendit à Paris où, comme il a été indiqué plus haut, elle se trouve en août de cette même année 1165. Revint-elle à Burlats ? D’après un texte malheureusement tardif – il date du XIIe siècle – sa fille Adélaïde aurait été élevée à Burlats, d’où il est permis de déduire que sa mère était auprès d’elle. Adélaïde était âgée de 7 ans en 1165.
Raymond Trencavel vient à Burlats l’année suivante. Il y signe en août l’autorisation d’édifier un château dans les environs, à Cambounès. Il pourrait s’y être attardé, car il est à Albi en février 1167. C’est peut-être là un indice pour admettre que Constance était alors à Burlats.
Peu après, en cette même année 1167, Raymond Trencavel est assassiné à Béziers. Cette fin brutale peut expliquer que Raymond V ait à ce moment repris sa fille à Toulouse et que Constance privée de
protection ait définitivement quitté le pays. On sait que Roger Trencavel soupçonna le comte de Toulouse d’avoir été complice de la mort de son père. Raymond V voulut la paix et, pour la confirmer, il donnait Adélaïde en mariage à Roger en 1171.
On ignore ce que devint Constance jusqu’en 1173. A cette date, elle
est installée en Palestine. Elle revint en France pour y mourir
vers 1190. En 1894, un architecte des Monuments historiques supposait à nouveau que c’était à l’initiative et aux libéralités de Constance que l’on devait la création du prieuré, ainsi que du pavillon dit « d’Adélaïde ».
En 1903, Jean Laran proposait pour la construction de l’église une
fourchette chronologique très large (1130 – 1170) qui déjà excluait
cette attribution. Les travaux les plus récents, ceux de Marcel
Burliat et de J. Cabanot, paraissent avoir réglé le question. L’église
prieurale a été construite à partir de 1120 et achevée avant 1150.
Le logis roman peut être daté à peu près de la même période.
En venant se réfugier à Burlats, très probablement, on l’a vu, sur
les conseils de Raymond Trencavel, maître de céans, Constance y
trouvait un prieuré dans toute sa jeunesse architecturale. Quant
à la résidence qui l’attendait, elle était bien différente des bâtiments
rustiques des années 1120. Femme habituée aux cours princières,
elle disposait dans l’élégant pavillon de Burlats de quoi se loger
à sa convenance. Si l’on tient cependant à retarder la date d’achèvement de ce logis, on peut imaginer que Constance aurait vu à l’oeuvre l’atelier qui en sculptait les derniers chapiteaux.